COURSE DE MONTAGNE : l’exploit de Théo Mathys guidé par Thomas Boone sur Sierre-Zinal

Le Sédunois Théo Mathys, athlète malvoyant, a couru Sierre-Zinal avec son guide Thomas Boone. 

Terminer Sierre-Zinal représente une magnifique performance. Cette performance est décuplée pour un malvoyant et son guide. Théo Mathys de Sion, 22 ans, a réussi cet immense exploit de rejoindre Zinal en moins de 5 heures. Son guide, Thomas Boone a donné de sa personne. Il raconte.

“C’est un travail de longue haleine pour en arriver à notre super résultat de samedi”, débute Thomas Boone. ” Je cours en binôme avec Théo depuis 2018 et je me rappelle encore ses coups de gueule à chaque fois qu’il trébuchait sur une pierre ou quand la route s’élevait… Il en a fait du chemin et j’en suis extrêmement fier. Au delà de son déficit visuel sévère il a aussi une santé fragile avec des bas qu’il a fallu gérer. Ces dernières années, en plus du travail de préparation physique, il a développé un mental et une détermination qui ne cessent de grandir.”

Le guide continue : “Pour comprendre l’effort que représente une course de montagne pour Théo, il faut s’imaginer les ressources déployées pour rester motivé à avancer à chaque fois que votre pied tape un rocher, se prend dans une racine, que vous trébuchez ou même que vous tombez. Nous avons fait plus de 37000 pas ce jour là et Théo était un guerrier.”

“Samedi passé, nous étions bouillonnants. Sierre-Zinal c’était LE centre d’intérêt principal de Théo ces derniers mois. Nous étions à fond et l’avons vécu avec juste ce qu’il faut de douleur et d’émotions positives pour la rendre inoubliable.”

“Chaque ”bravo les gars”, ”chapeau”, ”magnifique”, ”courage” etc.. venant des autres coureurs et du public étaient des coups de boost considérables pour nous deux. Je ressentais les effets positifs sur Théo à chacun des encouragements.”

“Théo m’a transmis la chair de poule dans la montée vers le Weisshorn assiégée par les spectateurs. Le bruit des cris, des cloches et de la tronçonneuse m’empêchaient de lui transmettre mes indications mais quelles émotions! “

“En ce qui me concerne en tant que guide, mon but était qu’il termine la course en bonne santé et qu’il en garde un souvenir positif indélébile. Le genre de souvenir qui vous retape dans les coups durs.”

“Mon défi principal était de maintenir ma concentration et de nous diriger au mieux sur le parcours. C’est un effort physique et mental hors du commun de courir pendant 5 heures en contact étroit avec quelqu’un. Cela demande de rester lucide et le plus synchronisé possible jusqu’à la ligne d’arrivée. J’ai varié les techniques de guidage dès que l’occasion se présentait pour diminuer les contraintes sur le dos et les épaules. Parler à Théo était essentiel pour l’encourager mais surtout pour lui décrire le terrain, les obstacles, les dangers et ainsi limiter les chocs, les chutes, les entorses… Hormis nos échanges aux ravitaillements et sur les parties plus roulantes je me contentais des mots clés répétés à l’entraînement ”lève, pousse, marche en haut, marche en bas , trottine, marche long, descend, laisse aller , bois, mange, ça va? ””

“Je n’ai quasiment pas regardé ma montre de la course, j’étais trop occupé. Surprise à l’arrivée… 4h58’. J’avais estimé la performance à 5h et moins de 5h comme un exploit. C’était la cerise sur le gâteau. J’ai donné de ma personne et je suis heureux d’avoir pu l’aider à atteindre son objectif sur la mythique Sierre-Zinal.” 

Propos recueillis par Bernard Mayencourt
14/08/2023